dimanche 28 juin 2015

Ironman Nice

Pour les intéressés, mon compte rendu du weekend aussi long que la course. Et encore j’ai évincé des détails, ceux qu’on monnaie…

Vendredi, à 2 jours de l’échéance :
La course avant LA course. Descente à Nice en voiture. Départ au petit matin et déjà du monde dans les starting block du périph. Une sirène au loin donne le départ. Joel, premier relayeur, enchaine les rapports de vitesse avec une fluidité et une aisance déconcertante. Gros braquet, à fond sur la pédale de droite et sur la file de gauche. Nous filons vers le sud à vive allure. A ce rythme, nous ne faisons qu’une bouchée des caravanes hollandaise et atteignons rapidement le Negresco l’odalysico sans encombre. Petite marche pour prendre l’air, flâner au village expo, retirer les dossards et enfin une bonne baignade dans le grand bleu pour finir cette journée avec une touche de vacances parmi les vacanciers. « Chouchous, beignets, qui veut des chouchous ». Cet instant restera notre seul moment de détente.

Samedi, veille de course :
Le lendemain est consacré à la préparation. Une préparation aussi minutieuse que l’opération Overlord. Sacs de transitions, bachotage du parcours vélo, inspection visuelle du matos, derniers ajustements, vérification de la porte opposée, une vrai check list de pilote. Je remercie Joel pour sa liste. Bonne nouvelle pour les fans la nouvelle révision va sortir prochainement. Encore plus complète. Si si.

C’est qu’il ne faut rien oublier car dépose des sacs de transition et du vélo en fin d’après-midi. Un parc à vélo? que dis-je ! un champs de vélo à perte de vue. Je dépose Mimine, moi en couple avec mon vélo ? jamais. Mais c’est fou comme on s’attache à certains objets. Il est déjà 18h. Avec l’objectif d’être au lit au plus tard à 22h, il va bientôt falloir s’attaquer au dîner. Dîner léger. Ha j’oubliai, ma petite famille presque au complet a fait le déplacement. Extra. Je leur promets donc ce moment avec eux pour éviter le conflit diplomatique. Histoire aussi qu’il me voit dans un bon jour pendant le weekend. A ce moment je ne suis pas particulièrement stressé. On croise beaucoup d’athlètes, que l’on reconnait facilement au bracelet bleu et aux jambes épilées. Autant dire qu’avec ma touffe de Jackson five et mes pates poilues je dois passer pour un jeune Wookie qui s’est trompé de course aux étoiles. Allez zou, au dodo. Je mettrai une grosse heure pour retrouver Morphée. Un record me concernant.

Dimanche, jour de fête :
Réveil avant les aurores, à une heure où les fêtards fêtent. En parlant de fêtard j’hésite à appeler Richie la Saumure pour le rassurer…ou peut être me rassurer. Plaisirs et priorités avant tout je préfère petit-déjeuner. Tout y passe, confitures, brioche, céréales Lion, lait, compotes, jambon, fromage, j’approche l’hyperglycémie. La tension monte d’un cran avec un mélange d’excitation et d’appréhension. Juste avant de partir je sens un picotement dans l’œil gauche. Une lentille s’est légèrement fissurée. Chouette ! Elle peut tomber à tout moment maintenant et bien sûr pas de rechange. On a peut-être une check liste de pilote mais j’ai des yeux de taupe, surtout cet œil. Espérons qu’elle tienne et se fasse discrète. On rejoint le départ en voyant effectivement quelques chemises blanches débraillées et alcoolisées, deux mondes se croisent, c’est drôle.

Arrivé au parc à vélo, chacun rejoint sa bécane pour les vérifications d’usage. Ca gonfle à tout va et quelques chambres à air explosent ici et là. 15 min après Joel arrive tout livide et inquiet « j’ai crevé, j’ai dû utiliser mon seul boyau de change» ça va aller Jo, le capital mal chance est épuisé. Au pire je lui passerai un boyau si je le croise en rade sur le parcours. Pas de doute qu’il fasse une grande partie à vélo devant. Dernier passage aux toilettes avant de revêtir la combinaison moulante de blackman.

Compter 10 minutes pour rejoindre la plage de galets, on se marche déjà dessus. J’ai raté le créneau d’échauffement. Les traits sont tirés. J’aperçois les sas des temps de nage : 1h25, 1h20, 1h15… placement libre. Am stram gram, ha ba non gram. Je me fous dans le sas des 55min, le plus rapide en fait. J’ai toujours été un grand optimiste J. Et encore si je pouvais j’aurai pris le départ avec les pros 5 min avant.
Pour être franc je ne prétendais pas nager ce temps-là mais simplement me mettre avec un groupe rapide pensant être moins chahuté. Joel juste devant moi. C’était une théorie, place à la pratique…

Face à une mer d’huile et à des moyens dignes d’une super production, on assiste au départ des pros. Place maintenant aux schtroumpfs. Concentration, silence de mort parmi les athlètes. La corne sonne notre départ et là « Wouh pinaise maaarge» Le ciel nous tombe sur la tête. Je ne sais pas trop comment décrire ce va suivre mais certaines imagines peuvent choquer. (Je conseille à Richard de sauter cette section pour son bien-être.)
Un champ de bataille ! Je ne suis pas encore rentré dans l’eau qu’on me pousse déjà violemment. « Et oh peace and Love » Une fois dans l’eau impossible d’avancer, impossible de nager, impossible de respirer. Tout est congestionné. Soudainement une main m’attrape le pied pour me tirer. « Non mais c’est pas vrai!!! Je n’avance pas, il faut en plus que je recule » Je m’en défais par un double kick aquatique dans les chicots. Je ne suis pas violent en temps normal mais faut pas abuser. A peine me suis-je arraché à cette tentacule qu’un autre vient me nager dessus. Des coups de bras involontaires à tout va viennent agrémenter ce menu indigeste. J’ai envie de mettre pause, où est la télécommande ?

Voilà grosso modo, après quelques tasses d’eau salée, le premier kilomètre de natation. Pas de tout repos. Il faut y être préparer. Je ne m’attarde pas trop sur les passages de bouées, véritable goulot d’étranglement ou tout le monde se rabat pour chercher une trajectoire optimale. On connait tous ces zones de turbulences. Fort heureusement les choses se calment après. De quoi  reprendre ses esprits et espérer nager correctement les 2,8km restant. En même temps que le soleil pointe ses premiers rayons, le plaisir commence à venir.  L’eau est limpide, avec une visibilité de plusieurs mètres. J’aperçois même les plongeurs en train de nous filmer au fond. Sorti en 1h09 et des chouias. Vu le départ compliqué, je m’en satisfait pleinement.

A la transition je ne suis pas des plus pressés. Après un séchage rapide, je m’assure de tout prendre avec moi, boyau de rechange, bombe anti-crevaison, mouchoirs, gants, avant d’ attaquer le vélo. La sortie du parc est bouchonnée. Et bien décidemment! La température atteint déjà 23°C. Elle ne va faire que grimper. Première partie vélo roulante, tout le monde se suit plus ou moins. Impossible de respecter à la lettre les règles qu’impose l’interdiction de drafter. D’ailleurs les arbitres sont plutôt tolérants et prévenants. Sans m’attarder sur les détails du parcours, j’ai adoré ce tracé dans l’arrière-pays, les villages traversés, les encouragements de la foule présente à certains endroits, l’aspect sauvage, la liberté, tous les ingrédients sont là. Aussi à l’aise dans les ascensions j’ai pris du plaisir à grimper le col de l’Ecre puis la côte de St-Pons, rattrapant beaucoup de concurrents. Pour les descentes c’est une autre histoire. Spécialité à part entière qui m’a fait grandement défaut sur ces sections sinueuses. Trop fébrile et manque d’entrainement sur ce type de terrain, je laisse filer trop de monde. Sans lassitude j’en termine en 6h17, c’est bien mais on ne va pas se mentir rien d’extraordinaire. Je paie mes descentes prudentes et j’ai voulu aussi en garder sous le pied pour le marathon. Soulagé d’avoir passé le plus dangereux sans pépin, reste le plus dur à attaquer. Je sais déjà que pour viser mieux qu’à Vichy (11h21) il va falloir sortir un solide marathon. Doux rêveur que je suis…

Transition 2 plus rapide, changement de chaussures, pendant qu’un bénévole range le vélo. « Merci ». Je me lance derechef sur la course à pied quand j’entends le speaker annoncer « l’Allemand Boris Stein va attaquer son dernier tour, toujours en tête, regarder son aisance, 4min au kilomètre…. ». Quelques secondes plus tard, je vois Boris tout de blanc vêtu me passer sous le nez. Effectivement je constate son aisance, je l’accroche, 100 mètres après je décroche. Désolé Boris mais c’est pas possible , une autre fois la soirée disco.

Je ne me sens pas au mieux. Une boule au ventre me serre l’estomac. Il fait très chaud et je commence moralement à douter. Impossible de tourner les jambes comme j’aimerai. Je rage. Après 5km, une première alerte, allure impossible à maintenir. La chute s’amorce doucement, jusqu’au semi où le ras le bol me gagne. J’ai envie d’éteindre ma montre, elle me dégoute. Tenir, tenir, tenir ! Je puise dans les réserves sans voir plus loin que chaque ravito. Ce sont là les seuls objectifs qu’on peut se fixer. Tous les 2 km j’en profite donc pour boire un verre d’eau en marchant 10 mètres et repartir. J’arrive ainsi à contenir la chute et à avancer tant bien que mal à 10km/h. Dans ces moments j’essaie de penser à autre chose, à des souvenirs qui font oublier la douleur.

Je croise Joel à chaque tour, il doit souffrir plus que moi et trouve malgré tout la force de m’interpeler. Car moi je n’ai rien trouvé d’autre que de fixer le sol pour avoir l’impression d’avancer. La chaleur continue son travail de sape. Beaucoup marchent quand ils ne sont pas à l’arrêt. En dehors des ravitos je me l’interdis mais c’est dur. J’en vois allongés par terre, les secours s’afférer, les sirènes retenir sans cesse. Dure vision de la course. Mon shorty bleu développe une pigmentation blanchâtre qui m’inquiète. Je me suis transformé en Cérébos. Système digestif en mode veille, aucun gel ou solide ne passe alors à quoi bon, seul l’eau arrive à faire son petit chemin.

Enfin le dernier tour je peux commencer le décompte kilométrique. Toujours en souffrance, j’arrive néanmoins à conserver l’allure sans m’effondrer. C’est plus facile quand on voit le bout du tunnel…Panneau des 40km, je sais que c’est bon. Je lève la tête. Derniers 100m avec la foule pour boucler ce marathon en 3h54, je savoure ce final, lève les bras au ciel, souris enfin. 11h35.
Finisher heureux.

IronMan Gilles

 Après un massage & gommage au sel, j’attendrai Joel sur la ligne d’arrivée. Je le vois en finir, soulagement.

Le temps final n’est qu’un détail et je retiendrai surtout toutes les émotions qui nous ont traversées durant cette longue journée. La tête remplie de souvenirs, tous bons même dans la souffrance. Et si c’était aussi facile, prendrait-on autant de plaisir ? Quand je repense à mes débuts en triathlon il n’y a pas si longtemps, j’étais encore loin d’imaginer cette médaille autour du coup…

En outre j’ai passé un excellent weekend en excellente compagnie.

A Pauline et Hugues de se mesurer à l’adage «rien n’est impossible». Je leur dirai juste : Savourez !

Et donc c’est quoi la prochaine étape après Nice ?


Gilles Cheniara

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